Lors du Conseil départemental du 29 janvier 2024, l’ensemble de la majorité a voté une motion en soutien aux agricultrices et agriculteurs. Eve Demange, a pris la parole en soutien à cette motion et pour réafirmer notre position et nos propositions.
La mobilisation massive de ces derniers jours est l’expression d’une colère légitime des agricultrices et agriculteurs qui ne vivent pas de leur travail, doivent sans cesse s’adapter à la complexité des normes et aux injonctions contradictoires, tout en faisant face, seul.e.s, aux conséquences dramatiques du changement climatique.
Les chiffres sont alarmants : un.e agricultrice-agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, les transmissions ne se font plus, faute d’attrait pour une profession exigeante et qui ne permet pas de vivre dignement. Ce sont ainsi 100 000 fermes qui ont disparu en 10 ans. Dans le même temps, la profession connaît le plus haut taux de suicides, un tous les deux jours. L’agriculture française est au bord du naufrage.
Cette crise, structurelle, témoigne d’un système agricole à bout de souffle, qui pousse à produire toujours plus et toujours moins cher, face à des pays dont les normes sociales, sanitaires et environnementales sont bien moins exigeantes que les nôtres. Les critères de surface imposés par la PAC devraient favoriser une agriculture paysanne préservant le vivant, notre santé et les emplois.
Les agricultrices et agriculteurs français sont, de surcroît, pris en étau entre l’industrie agroalimentaire et la grande distribution qui imposent des prix toujours plus bas. En 2023, alors que les revenus des agriculteurs chutaient, les profits de l’agro-industrie ont, eux, plus que doublé. Les grands groupes captent une grande partie de la valeur ajoutée des produits agricoles et gonflent leurs marges, alimentant l’inflation qui pèse en bout de chaîne sur les agricultrices, agriculteurs et sur les consommateurs. Rappelons que 50 % des aides de la Politique Agricole Commune (PAC) reviennent à 20% des plus grosses entreprises agricoles et agroalimentaires, ce qui constitue un non-sens total !
Aujourd’hui, pour la majorité des agricultrices et agriculteurs de notre pays, il n’est pas possible de vivre de son travail.
Les crises s’accumulent, sociales, climatiques, économiques, les aides ne suivent pas. En 2023, la Gironde n’a pas été épargnée : les vignes ont été dévastées par le mildiou, les huîtres contaminées à la veille des fêtes de fin d’année, les éleveurs touchés par la tuberculose bovine, quant aux éleveurs laitiers, leurs prix continuent d’être tirés vers le bas, quitte à vendre à perte. À chaque crise, les aides ne sont pas systématiques et tardent le plus souvent à venir.
C’est tout le système qu’il faut repenser. Nous devons sortir du libre-échange à outrance et de la concurrence déloyale qui frappe les agricultrices et les agriculteurs, détruit le vivant et anéantit tout espoir de relocalisation de notre agriculture. Nous devons refondre notre politique agricole dans un modèle plus solidaire, plus respectueux de la biodiversité et protégeant celles et ceux qui nous nourrissent. La souveraineté alimentaire de la France, ce sont les agriculteurs et agricultrices qui peuvent la reconquérir.
Le Département de la Gironde prend déjà toute sa part en accompagnant les jeunes agricultrices et agriculteurs dans leur installation, en les aidant à s’équiper pour diversifier leurs activités et en déployant un plan bovin et plan ovin d’urgence pour prémunir les éleveurs contre les risques sanitaires qui menacent les troupeaux et soutenir les filières de qualité locales. Le Département fait également, avec sa politique gironde Alimen’Terre, la promotion des circuits-courts et de l’agriculture biologique pour favoriser l’accès à une alimentation de qualité par le plus grand nombre et garantir un juste revenu aux agricultrices et agriculteurs.
Le Gouvernement doit maintenant prendre la sienne en pesant dans les négociations pour une PAC qui retrouve sa raison d’être : assurer une alimentation en circuit-court, saine et accessible à toutes et tous, tout en permettant aux agricultrices et agriculteurs de vivre dignement de leur travail. Une PAC qui serait l’instigatrice d’une transition agroécologique des pratiques agricoles et consacrerait, dans le même temps, notre souveraineté alimentaire. C’est pourquoi, le Département de la Gironde demande au Gouvernement :
- D’instaurer immédiatement des prix plancher, afin que les agricultrices et agriculteurs vivent de leur travail et, à terme, d’instaurer un écosystème leur garantissant un revenu digne et non dépendant des marchés financiers ;
- Une application stricte de la loi EGALIM afin de permettre un prix réellement protecteur pour le producteur et le consommateur ;
- Un moratoire sur les accords de libre-échange ;
- L’interdiction d’importation des produits ne respectant pas les normes de production françaises et européennes ;
- Une meilleure répartition des fonds européens afin de soutenir prioritairement les petites exploitations paysannes et une agriculture respectueuse des humains et de la nature ;
- L’accompagnement à la conversion et à la production biologique ;
- La création d’un système de sécurité sociale agricole, afin que les risques que prennent les agricultrices et agriculteurs individuellement soient couverts et portés par la solidarité nationale (risques financiers dans les investissements et de pertes de cultures dans les aléas).